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s'agenouilla sur le seuil en la regardant, les mains jointes.
 Vous vous dites, n'est-ce pas, madame, que l'on peut �tre bien heureux en prison?
 Oui, c'est pr�cis�ment cela que je pensais, r�pondit-elle.
 Et cette id�e vous est venue....
 En regardant ma prison � moi....
XXIII. UN DES MILLE COUPLETS DE LA CHANSON DU COEUR 187
La belle Gabrielle, vol. 2
Elle lui montra le Louvre profilant sur l'eau glac�e sa colonnade noire, abandonn�e par le soleil.
 Vous allez sortir de celle-ci, murmura-t-elle, et moi je vais rentrer dans celle-l�!
Il poussa un soupir douloureux, et dit:
 On n'est pas reine sans �tre un peu esclave.
 Je ne suis pas reine, s'�cria-t-elle am�rement, mais esclave, oh! oui, je le suis bien!
 Par votre volont�, ajouta-t-il le coeur palpitant.
 C'est vrai.
 Vous ne vous repentez pas, j'esp�re?
 Non, dit-elle si bas et d'une voix si br�ve que les l�vres seules parlaient.
Mais se remettant avec effort:
 Vous avez une d�licieuse habitation, monsieur Esp�rance, reprit Gabrielle.
 On vous l'a dit, madame!
 Je l'ai vue.
 Vous?
 Sans doute, ne vous ai-je pas expliqu� tout � l'heure que pour mieux surprendre le roi, j'�tais entr�e chez
vous.
 Je n'avais pas bien compris.
 Je vous ai dit que j'avais surpris le roi dans votre maison.
 C'est-�-dire sortant de chez moi.
 C'est-�-dire sortant par votre maison, tandis qu'il �tait entr� par la rue Lesdigui�res.
 Je ne sais d'o� Sa Majest� venait.
 Pas de d�licatesse. Il l'a avou� lui-m�me. Il venait de voir chez Zamet une femme.
 Ah! madame, si vous laissez p�n�trer dans votre coeur ce serpent qu'on nomme la jalousie!
 Je ne suis pas jalouse! s'�cria-t-elle.
 Alors, pourquoi vouliez-vous surprendre le roi?
 Vous avez raison, dit-elle froidement.
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La belle Gabrielle, vol. 2
Et son regard vacillant chercha l'Arsenal comme pour d�couvrir derri�re les arbres de la Cerisaie.
 Je cherche votre maison, interrompit-elle, la voit-on d'ici?
 Non, madame.
 Vous allez �tre bien heureux, l�, n'est-ce pas? C'est riche, c'est charmant.
 On le dit.
 Le jardin est-il beau?
 Tr�s beau.
 Vaut-il celui des G�nov�fains? Vous savez... � Bezons?
Esp�rance tressaillit.
 Avec ses lis qui semblent de grands cierges la nuit, avec ses roses et ses jasmins qui embaument au soleil, et
ces oeillets enivrants qui retombaient dans les bordures de thym, o� vers midi bourdonnaient tant d'abeilles.
Vous rappelez-vous ce beau jardin?
 Oui, madame, dit Esp�rance, frissonnant.
 J'oubliais les grands orangers, dans l'all�e, pr�s du couvent; je ne me promenais pas de ce c�t�-l� sans �tre
inond�e de leurs fleurs. Un soir, en revenant � ma chambre, j'en trouvai qui �taient tomb�es dans mes cheveux
et dans ma gorgerette. Ce fut le soir o� vous me rend�tes service. Vous �tiez bien souffrant, alors; je vous
trouvai fort bon pour moi et tr�s-d�licat.
Esp�rance se renversa derri�re l'angle de la porte. Il �tait devenu si p�le, qu'il le sentait et ne voulait pas laisser
voir sa p�leur.
 On �tait heureux dans ce temps-l�, dit Gabrielle.
 Ne l'�tes-vous plus? murmura-t-il. Vous avez, dit-on, un fils beau comme vous?
 Un petit ange! dit-elle en rougissant.
 C'est plus qu'il n'en faut pour �tre heureuse.
 Voil� trois fois que vous me r�p�tez le m�me mot, dit Gabrielle en se retournant vers Esp�rance, et vous
savez pourtant que vous me faites mal.
 Moi?
 Me croyez-vous heureuse? est-ce possible? Appuyez la main sur votre coeur, et r�pondez.
 Oh! madame, je ne sais pas, moi.
 Puisque vous ne savez pas, ne dites pas que je suis heureuse. Si je vous ai parl� de votre bonheur � vous,
c'est que j'ai la certitude qu'il n'est troubl� par aucun nuage, c'est que je sais....
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La belle Gabrielle, vol. 2
 Que savez-vous, vous-m�me, je vous prie?
 Que vous avez voyag� gaiement, insoucieusement, au point d'oublier tous ceux qui s'inqui�taient de vous �
Paris. M. de Crillon l'a dit souvent en ma pr�sence. Et au retour, vous avez trouv� toute pr�te la maison que
vous vous �tiez b�tie. Riche, jeune, libre, que manquait-il? La libert�, je vous la rends. Et si d�sormais je
passe encore devant votre porte, je me dirai avec certitude: L� demeure un homme heureux.
 Vous venez de parler comme je parlais tout � l'heure, dit Esp�rance, et vos calculs vont �tre bien d�rang�s,
madame, car si vous passez encore devant ma maison, ce n'est pas cela que vous direz.
 Pourquoi?
 Parce que, d'abord, je n'y demeurerai pas.
 Qu'est-ce � dire?
 J'y coucherai ce soir pour la derni�re fois, ajouta Esp�rance.
 Je ne vous comprends pas, monsieur. Quel logis plus charmant trouverez-vous dans Paris?
 Demain, poursuivit-il, j'aurai quitt� Paris.
 Par exemple!...
 Je m'y ennuie. Oui, madame, l'homme heureux par excellence s'ennuie.
 Ah!... et... vous retournez � vos voyages, peut-�tre.
 Probablement, madame.
 Pour longtemps?
 Mais pour toujours.
Elle fit un mouvement plein de trouble et d'inqui�tude. [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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